D'où viennent nos préjugés?

Publié le par lenuki

 

Ne me préjugez pas!

 

D'où nous viennent les stéréotypes et les préjugés?

Charlotte Duperray   in slate.fr

lundi, 30 mars 2009

 

Une jeune femme été attaquée dans le RER A par un homme d'origine maghrébine.

Une information que l'on entend sans surprise dans les médias. Deux acteurs; la jeune femme et l'homme maghrébin. Un lieu; le RER A. Que véhicule une telle information dans notre tête? Notre société est construite  autour de stéréotypes et de préjugés. Le RER A est stéréotypé dangereux, les hommes d'origine maghrébine agressifs et les jeunes femmes comme des cibles sans défense.

Jugements de valeurs, lieux communs, banalités, opinions, stéréotypes, clichés, préjugés, idées reçues, stigmatisations, phrases cousues en fonction des espaces dans lesquels elles sont employées. Nous avons tous en tête des stéréotypes et des préjugés qui façonnent nos pensées. Nous avons beau nous en défendre, argumenter ou prendre le contrepied des idées reçues, difficile de s'en détacher; pour la simple et bonne raison que nous sommes constitués de ces préjugés.

Du stéréotype au préjugé cela donne; «les corses sont paresseux» (groupe stigmatisé) = «je n'aime pas les corses parce qu'ils travaillent trop lentement» (jugement). De la stigmatisation sociale, nous passons au jugement personnel. Pourquoi nous stéréotypons, pourquoi nous préjugeons ?

Origine socioculturelle

Les stéréotypes et les préjugés ont une origine socioculturelle. Ils se construisent autour de trois influences majeures; l'éducation qui façonne nos attitudes et nos comportements, les médias qui sont saturés de stéréotypes et l'influence de groupes de référence. Nous évoluons dans un environnement  composé de différents états; la maison, l'école, le travail... Chacun de ces microcosmes se construit autour de valeurs et d'habitudes.

L'environnement véhicule des normes et des manières de faire qui constituent l'héritage culturel des personnes qui le compose. Chaque individu se caractérise par rapport à une appartenance à un groupe. Ainsi, je suis moi, en miroir d'une famille dans laquelle j'ai grandi, d'une école dans laquelle j'ai appris et d'un travail dans lequel j'évolue. Et ce moi, construit autour de normes, est porteur d'une identité, elle-même façonnée, par les membres d'un même environnement et par le regard des autres. La construction des stéréotypes diffère en fonction de la perception des groupes. Ces croyances sont des généralisations excessives face à des comportements, des caractéristiques physiques ou des traits de personnalité.



Origine cognitive

Les stéréotypes ne sont pas uniquement des phénomènes socioculturels, ils ont aussi une origine cognitive précise le site Préjugés et Stéréotypes réalisé avec le concours du ministère de la recherche. Michaël Danbrun a publié une synthèse de travaux sur la manière de mesurer les préjugés, intitulée «les différentes mesures implicites cognitives de préjugés et de stéréotypes». D'un point de vue cognitif, l'origine des stéréotypes vient de l'impossibilité pour notre cerveau de traiter consciemment la totalité des informations qu'il reçoit. De ce fait, il s'adapte en simplifiant l'information qui lui arrive; un de ces moyens est de catégoriser et de classer les informations. Un processus adaptatif très automatisé; en quelques millisecondes, à partir de caractéristiques physiques par exemple, nous sommes capables d'attribuer une catégorie à une personne. Notre cerveau classe généralement à deux niveaux, soit en différence, soit en similarité; l'information est triée par contraste ou par assimilation.

Organisation sociétale

Les individus ont besoin de développer un sentiment d'appartenance à un ou plusieurs groupes. Le phénomène est à double sens; d'une part, nous avons tendance à accentuer notre identification à un groupe de référence, par souci de repères, de structures et d'identité. D'autre part, le regard que nous portons sur les autres groupes est marqué par les différences qui nous éloignent. Exagérer les similitudes à l'intérieur d'un groupe accentue les différences entre les groupes.

Préjugés et discrimination

En fonction des rapports entres ces groupes, les comportements des individus peuvent engendrer des discriminations. Sidanius et Pratto ont développé la théorie de la dominance sociale. Ils partent du postulat que les sociétés son composées de groupes dominants et dominés. Or, cette relation entre dominants et dominés, est étroitement liée au phénomène de discrimination. Les uns étant porteurs de valeurs sociales positives et les autres de valeurs sociales négatives. Le simple fait d'occuper une position sociale dominante est suffisant pour générer des préjugés envers les minorités. Inversement, les préjugés peuvent naître de facteurs, comme la frustration personnelle, la privation économique, l'échec ou le manque d'estime de soi.


Pour aller plus loin

«Les arabes sont agressifs, les noirs sont joyeux, les asiatiques sont travailleurs, les femmes sont douces et sensibles. Je suis seule dans le métro, une bande de jeunes garçons rentrent dans le wagon, je prends peur. Je n'ai pas fait de classe préparatoire donc je ne me sens pas à la hauteur. Je suis africaine donc je danse bien.» (...)

Les clichés costument les genres et les gens. Ils façonnent et nourissent l'imaginaire populaire. Nous avons tous (testez vous !) des préjugés et tous, nous en suscitons. Ils font partie de nous, de notre environnement social et en cela, ils sont structurants. Lutter contre les préjugés ? Compliqué. Néanmoins, lutter contre la négation qu'ils engendrent est une bataille fondamentale. Les Nations Unies ont écrit pour cela une déclaration sur la race et les préjugés raciaux]. Et des personnes luttent quotidiennement au sein des associations. Rokhaya Diallo, membre des Indivisibles, confie à quel point les préjugés réduisent les identités. Selon elle, reconnaître et être conscient de ses propres préjugés est une manière de gagner en estime de soi. Or, l'estime de soi permet de réduire ses préjugés à l'égard des autres.

Actuellement, les médias s'interrogent sur l'efficacité des statistiques  en terme de lutte contre les préjugés. Si ce n'est par les chiffres, le simple fait d'assumer ces petites bètes qui nous collent à la peau, peut être une manière de positiver.

Charlotte Duperray

Un grand merci à Jean-Baptiste Légal [13] et Rokhaya Diallo pour leurs éclairages sur le sujet.

 

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L
<br /> Bonjour,<br /> <br /> Je fais partie de l'équipe du Blog du Discriminologue, premier site web d'information et d'auto-formation en Europe, sur les thématiques de citoyenneté et de Lutte Contre les Discriminations.<br /> <br /> Nous mettons nos ressources (articles, vidéos, modules d'auto-formation) à disposition de tous gratuitement. Ceci peut vous intéresser. Vous trouverez entre autre dans notre rubrique "vidéos", un<br /> film intitulé ON A TOUS DES PREJUGES, qui explique le fonctionnement des préjugés, leur rôle, et la façon dont les individus les utilise.<br /> <br /> Voici l'adresse du site : http://www.lediscriminologue.org<br /> <br /> Bonne continuation.<br /> <br /> <br />
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