Pluralisme culturel et démocratie
Toutes les sociétés européennes sont confrontées au même phénomène : une diversification culturelle croissante, qui s'est opérée à un rythme
historique accéléré et qui est encore à l'œuvre, malgré les fermetures des frontières intervenues au milieu des années 1970 et la multiplication de lois de plus en plus drastiques sur l'entrée et
le séjour des étrangers.
Alors même que les populations étrangères s'enracinent dans ces sociétés européennes, comme le révèlent l'émergence des nouvelles générations, nées et socialisées en Europe ou, sur un autre terrain, la progression des naturalisations, y compris et surtout chez les femmes migrantes, le débat public sur la place des autres « cultures » est de plus en plus focalisé sur la dimension religieuse.
Ce débat, relancé périodiquement par l'actualité internationale et instrumentalisé à chaque confrontation électorale par des usages partisans, se concentre en particulier sur la place de l'islam, devenu en quelques décennies une religion endogène, une référence essentielle de millions de personnes qui ne sont plus, du moins sur le plan juridique, des étrangers, mais bien des nationaux, des concitoyens européens. Ainsi, les sociétés européennes s'interrogent toutes sur les conditions du vivreensemble et les marges qu'elles doi vent laisser à l'expression publique de cette diversité.
C'est dans ce contexte que nous nous apprêtons à célébrer l'Année européenne du dialogue interculturel et, s'il n'est pas dans notre intention de répondre en quelques lignes à tous les défis qu'un tel débat soulève, on peut néanmoins esquisser quelques pistes de réflexion. Quitte à rappeler des évidences, il faut insister d'abord sur la dimension sociale de tout dialogue et rappeler l'exigence d'égalité. Il ne peut y avoir d'échange culturel fécond et serein sur un terreau marqué par les discriminations, les exclusions et l'inégalité de traitement. Une société démocratique ne saurait se limiter aux seuls droits civils et politiques et accepter comme une fatalité le confinement d'une partie de sa population à la marge économique et sociale.
Des politiques publiques et privées actives de réduction des inégalités constituent une condition préalable : l'impératif de traitement égal des résidents étrangers et des Européens d'ascendance étrangère devrait être à cet égard rappelé tout au long des manifestations de cette Année européenne du dialogue interculturel.
C'est aussi à partir de cette fidélité à l'idéal démocratique que la problématique de la diversité culturelle devrait être posée en évitant deux écueils : la négation du pluralisme et le relativisme.
Il ne peut y avoir en effet de communauté politique démocratique sans un ensemble de valeurs, un socle indérogeable, donc non négociable, qui est constitué des valeurs fondamentales des droits de l'homme. Il y a dans ce que l'on nomme communément les cultures des particularités qui ne sont pas recevables et d'autres qui appartiennent au fonds commun de l'humanité. À cet attachement à l'universalisme, il faudrait articuler la défense exigeante du droit des individus à s'autodéfinir et notamment à rompre avec « l'origine ». Ce droit de dissociation d'avec le (s) groupe (s) d'appartenance est à cet égard vital dans nos sociétés.
Mais, une fois ces impératifs politiques et éthiques rappelés, il nous faut bien penser des politiques de reconnaissance de la diversité et du pluralisme, sans stigmatiser a priori, au nom d'un universalisme abstrait, tout mouvement de réaffirmation culturelle ou identitaire et l'assimiler trop rapidement au repli, à la fermeture et au rejet de valeurs communes.
Dans un monde globalisé, marqué par les mobilités humaines de tous genres, par l'affaiblissement des capacités d'intégration des États, par l'émergence d'institutions supranationales politiques et économiques, le besoin des individus à se référer à des groupes d'appartenance plus multiples ne peut être ignoré et frappé automatiquement d'illégitimité.
L'articulation entre communauté politique et diversité n'est pas au fond soulevée par les seuls migrants ou leurs enfants au sein de chaque société européenne ; elle est aussi posée par le processus de construction européenne qui suscite, comme l'a révélé récemment le débat sur le traité constitutionnel, des crispations nationales. Nous sommes de fait et de plus en plus acteurs d'une citoyenneté politique qui se déploie au niveau local, national et supranational, et en même temps attachés à des cercles d'appartenance religieux, linguistiques, culturels multiples. Dans ce contexte, l'idéal démocratique ne peut plus seulement considérer des individus abstraits et indistincts, sans prendre en compte leur subjectivité, leur histoire personnelle propre. C'est ce défi, interne à chaque société européenne et entre sociétés européennes, que devrait éclairer cette année du dialogue interculturel
Alors même que les populations étrangères s'enracinent dans ces sociétés européennes, comme le révèlent l'émergence des nouvelles générations, nées et socialisées en Europe ou, sur un autre terrain, la progression des naturalisations, y compris et surtout chez les femmes migrantes, le débat public sur la place des autres « cultures » est de plus en plus focalisé sur la dimension religieuse.
Ce débat, relancé périodiquement par l'actualité internationale et instrumentalisé à chaque confrontation électorale par des usages partisans, se concentre en particulier sur la place de l'islam, devenu en quelques décennies une religion endogène, une référence essentielle de millions de personnes qui ne sont plus, du moins sur le plan juridique, des étrangers, mais bien des nationaux, des concitoyens européens. Ainsi, les sociétés européennes s'interrogent toutes sur les conditions du vivreensemble et les marges qu'elles doi vent laisser à l'expression publique de cette diversité.
C'est dans ce contexte que nous nous apprêtons à célébrer l'Année européenne du dialogue interculturel et, s'il n'est pas dans notre intention de répondre en quelques lignes à tous les défis qu'un tel débat soulève, on peut néanmoins esquisser quelques pistes de réflexion. Quitte à rappeler des évidences, il faut insister d'abord sur la dimension sociale de tout dialogue et rappeler l'exigence d'égalité. Il ne peut y avoir d'échange culturel fécond et serein sur un terreau marqué par les discriminations, les exclusions et l'inégalité de traitement. Une société démocratique ne saurait se limiter aux seuls droits civils et politiques et accepter comme une fatalité le confinement d'une partie de sa population à la marge économique et sociale.
Des politiques publiques et privées actives de réduction des inégalités constituent une condition préalable : l'impératif de traitement égal des résidents étrangers et des Européens d'ascendance étrangère devrait être à cet égard rappelé tout au long des manifestations de cette Année européenne du dialogue interculturel.
C'est aussi à partir de cette fidélité à l'idéal démocratique que la problématique de la diversité culturelle devrait être posée en évitant deux écueils : la négation du pluralisme et le relativisme.
Il ne peut y avoir en effet de communauté politique démocratique sans un ensemble de valeurs, un socle indérogeable, donc non négociable, qui est constitué des valeurs fondamentales des droits de l'homme. Il y a dans ce que l'on nomme communément les cultures des particularités qui ne sont pas recevables et d'autres qui appartiennent au fonds commun de l'humanité. À cet attachement à l'universalisme, il faudrait articuler la défense exigeante du droit des individus à s'autodéfinir et notamment à rompre avec « l'origine ». Ce droit de dissociation d'avec le (s) groupe (s) d'appartenance est à cet égard vital dans nos sociétés.
Mais, une fois ces impératifs politiques et éthiques rappelés, il nous faut bien penser des politiques de reconnaissance de la diversité et du pluralisme, sans stigmatiser a priori, au nom d'un universalisme abstrait, tout mouvement de réaffirmation culturelle ou identitaire et l'assimiler trop rapidement au repli, à la fermeture et au rejet de valeurs communes.
Dans un monde globalisé, marqué par les mobilités humaines de tous genres, par l'affaiblissement des capacités d'intégration des États, par l'émergence d'institutions supranationales politiques et économiques, le besoin des individus à se référer à des groupes d'appartenance plus multiples ne peut être ignoré et frappé automatiquement d'illégitimité.
L'articulation entre communauté politique et diversité n'est pas au fond soulevée par les seuls migrants ou leurs enfants au sein de chaque société européenne ; elle est aussi posée par le processus de construction européenne qui suscite, comme l'a révélé récemment le débat sur le traité constitutionnel, des crispations nationales. Nous sommes de fait et de plus en plus acteurs d'une citoyenneté politique qui se déploie au niveau local, national et supranational, et en même temps attachés à des cercles d'appartenance religieux, linguistiques, culturels multiples. Dans ce contexte, l'idéal démocratique ne peut plus seulement considérer des individus abstraits et indistincts, sans prendre en compte leur subjectivité, leur histoire personnelle propre. C'est ce défi, interne à chaque société européenne et entre sociétés européennes, que devrait éclairer cette année du dialogue interculturel