La phénoménologie et la conscience

Publié le par lenuki

                                    

 coucher de soleil

 

 


1.     Qu’est-ce que la phénoménologie ?


Ce terme est composé à partir de deux mots grecs : phainoménon  (ce qui se montre, se manifeste, ou apparaît) et logos (discours, science). La phénoménologie est donc la science des phénomènes.

Ce terme apparaît pour la première fois chez Jean Henri Lambert. En effet, cet auteur, par ailleurs mathématicien, occupe une place originale dans la philosophie de l'Aufklarung (la philosophie des "Lumières" en Allemagne), se situant entre Leibniz et Kant, dont il fut le correspondant et qui a même songé à lui dédicacer sa Critique de la raison pure. Il rédige une oeuvre importante sur la théorie de la connaissance et on lui doit le terme de " Phénoménologie".

Ce terme est repris ensuite par Kant (comme partie de la doctrine du mouvement) et surtout par Hegel, dont l’œuvre majeure reste La phénoménologie de l’esprit, c’est-à-dire l’histoire du développement progressif de la conscience depuis la sensation jusqu’au savoir absolu. Mais c’est avec Husserl que la phénoménologie devient un mouvement philosophique à part entière, qui se donne pour objectif et méthode de décrire ce qui apparaît en tant qu’il apparaît (et non pas comme renvoyant à ce que nous croyons savoir de lui, nos idées préconçues par exemple).

Notre époque, dans sa culture et son effort de penser, est en crise, selon Husserl (cf. La crise de l’humanité européenne et la philosophie, 1935), parce qu’elle est confrontée à deux écueils : le psychologisme (comme tendance qui consiste à ramener les problèmes philosophiques à des problèmes psychologiques) ou le positivisme (comme doctrine selon laquelle seuls comptent les faits, rien que les faits, oubliant que, comme le dit Bachelard, " un fait est fait " ). Ces deux écueils conduisent en effet à un doute stérile (au contraire du doute cartésien qui est actif et volontaire et non pas subi). D’où une question importante : comment faire, dès lors, pour pratiquer la philosophie  sans sombrer dans le scepticisme (conduisant à douter de tout et donc condamnant au silence) ou le relativisme (amenant à considérer que tout se vaut, c’est-à-dire que rien n’a vraiment de valeur, condamnant au nihilisme) ?

Pour sortir de cette crise, il faut donc inventer une nouvelle démarche, voie ou méthode : partir de ce qui est immédiatement certain (comme certitude pré-réfléchie) : la certitude originelle d’être, avec un monde autour de nous . C’est pourquoi il faut interroger le rapport entre le monde et notre conscience. Pour ce faire,,  Husserl reprend l’interrogation philosophique première, proprement métaphysique, tournée vers l’essence (la nature propre,les caractéristiques constitutives essentielles)) de ce qui se manifeste , c’est-à-dire la nature authentique des phénomènes. En ce sens, pour Husserl, la phénoménologie, c’est l’entreprise philosophique elle-même dans sa modernité, c’est-à-dire à partir de Descartes (cf. Méditations cartésiennes, 1929).

  "Le retour aux choses mêmes " : telle est l’injonction par laquelle Husserl résume son projet philosophique, qui est de revenir, par-delà tous les a priori ou les préjugés, à ce qui se manifeste en tant qu’il se manifeste. Ainsi la « science des phénomènes »  est essentiellement descriptive. Comme théorie de la connaissance, elle veut expliciter tout ce qui se présente à la conscience et c’est pourquoi la perception (comme représentation immédiate de ce qui est) devient fondatrice de tous les actes. Toute phénoménologie est donc, en un certain sens, phénoménologie de la perception (d’où le titre d’une des œuvres majeures de Merleau-Ponty…).

 

intention

 

 

2.     La méthode phénoménologique


" Toute conscience est conscience de quelque chose " : telle est l’une des formules les plus connues de Husserl, et peut-être la mieux à même de situer le point de départ de sa philosophie. Par cette formule, en effet, se révèle une des spécificités de la conscience, son intentionnalité, c’est-à-dire la manière qu’elle a de toujours viser autre chose qu’elle-même, les autres, le monde ou les choses. D’où la nécessité de suspendre son jugement à propos de la réalité du monde  et des choses, c’est-à-dire de mettre entre parenthèses cette croyance immédiate (pré-réfléchie) que nous avons en l’existence des choses. Cette mise entre parenthèses, Husserl la nomme " épochè " (suspension du jugement pratiquée à l’origine par les sceptiques, en premier lieu Pyrrhon). L’épochè met en évidence que, de même qu’il n’y a de spectacle que pour un spectateur (qui le regarde), de même il n’y a de phénomène que pour une conscience. Tout phénomène doit donc être rapporté à la conscience qui le vise. En ce sens, la phénoménologie est un idéalisme (comme doctrine philosophique qui ramène tout à l’existence de la pensée ou de la conscience) : la conscience est, en effet, ce par quoi les phénomènes adviennent, elle en est la condition de possibilité. Pas de conscience, pas de phénomènes… ! Mais cela implique aussi que la conscience, pour être ce qu’elle est, a besoin de quelque chose qui se manifeste, d’objets qu’elle peut viser. En ce sens, pas d‘objets, pas de conscience, ce que Sartre exprime de fort belle manière :


"  la conscience n'a pas de "dedans"; elle n'est rien que le dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience".

                                                     Sartre   Situations I


Il y a donc une constante corrélation entre les actes de la conscience qui se rapportent à un objet  (percevoir, se souvenir, aimer, etc.) et l’objet tel qu’il apparaît dans ces actes. Car ce qui a conduit les individus à perdre de vue leur propre expérience de la réalité, leur vécu propre, c’est le fait de considérer réalité et conscience comme deux entités séparées. La phénoménologie nous invite donc à prêter plus d’attention à l’expérience que nous avons de la réalité phénoménale (= telle qu’elle se manifeste à notre conscience) et à réfléchir à cette réalité avec des concepts neufs.

 

husserl-copie-1

                                                                                         Husserl

Publié dans le sujet

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article