Le désir est-il par nature illimité ?

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Le désir
Pour bien définir le désir, il faut le rapporter à deux concepts avec lesquels il est souvent confondu, le besoin et la volonté. A la différence du besoin, le désir ne se définit pas à partir d’une fonction naturelle identifiable à satisfaire (comme la faim ou la soif par exemple). De plus, les objets du besoin sont substituables (tout liquide peut plus ou moins bien apaiser la soif) tandis que les objets du désir peuvent se singulariser jusqu’à se porter sur un objet unique (cf. la passion). Le désir n’est pas non plus la volonté, qui se caractérise par une intention concernant une action concrète, et par une entière détermination à obtenir l’objet visé, en se donnant les moyens pour l’atteindre. Le désir, quant à lui, se caractérise par le fait de se tendre vers un objet ou une personne pour posséder ou devenir quelque chose. Le désir est lié à un sentiment de manque, qui vise à la satisfaction comme suppression de ce sentiment, satisfaction source de plaisir. Mais à la différence du besoin, le désir, une fois satisfait, ne comble pas. Cf. Platon : le tonneau des Danaïdes dans le Gorgias, ou la naissance d’Eros dans le banquet.

Par nature
« Par nature » signifie « par essence », « par définition ». La question porte sur ce qu’est le désir en soi, indépendamment de ce que nous pouvons en faire. Il s’agit donc de se demander si l’illimité fait partie des caractéristiques propres de tout désir, s’il appartient à son essence.
Illimité
+ Qui n’a pas de bornes, de limites (grand, infini). Or, pour Platon, le désir n’est-il pas essentiellement désir d’absolu ou d’éternité ?
+ Qui n’a pas de limites, dont la grandeur n’est pas fixée (indéfini, indéterminé). Or l’objet du désir (contrairement à celui du besoin) n’est-il pas indéfini ou indéterminé ? N’est-ce pas ce que manifeste son caractère insatiable, aucun objet ne semblant pouvoir le combler ou le satisfaire ?
Le désir peut être dit illimité en trois sens possibles. En premier lieu, le désir peut être dit illimité au sens où il finit toujours par renaître, une fois supprimé par une satisfaction temporaire. De plus, le désir est illimité dans la mesure où il fait en sorte de nous permettre de dépasser les limites liées à notre condition humaine (il est alors source de progrès). Enfin, le désir est qualifié d’illimité lorsqu’il nous conduit aux excès ou à la démesure, nous faisant perdre ce qui nous caractérise : notre être raisonnable et nous conduisant à commettre des actes inconsidérés. N’est-ce pas au nom de cela que certaines sagesses antiques ont cherché soit à l’éradiquer (stoïcisme) soit à le réguler ou le maîtriser, voire le rabattre sur le besoin (épicurisme) ?
Dégager la problématique et construire un plan
La problématique
Le problème est de savoir si le désir est par définition illimité, ou s’il est rendu illimité par une chose extérieure à lui. Car si le désir tend à la satisfaction, au plaisir, encore faudrait-il savoir en quoi consiste cette satisfaction : faut-il penser que le désir tend vers sa propre disparition (plaisir lié à la disparition du manque et à l’obtention de l’objet) ou vers sa renaissance permanente (plaisir lié au fait de désirer cf. Dom Juan ou texte de Rousseau : « Malheur à celui qui n’a plus rien à désirer, car il perd tout ce qu’il possède ! ») ? Y a-t-il, dans la définition du désir, quelque chose qui le rende inépuisable, impossible à assouvir, ou bien ne rencontrons-nous le désir illimité que parce que nous n’en voyons pas la limite naturelle ? En ce sens, est-ce le désir qui est sans limite, ou le désir n’est-il sans limite qu’en raison de notre incapacité à le réguler ? Enfin, n’est-ce pas la culture dans laquelle nous vivons qui, en lui proposant de plus en plus d’objets désirables (cf. publicité) le dénature au point d’accentuer son caractère insatiable, le conduisant à se perdre dans une fuite en avant sans fin et, au final, dénuée de sens ?

Plan possible (parmi d’autres… !)
- Le caractère par nature illimité du désir, d’où la critique qu’en font les sagesses antiques
La différence entre le désir et le besoin : cf. définition des termes plus haut. Le besoin est facile à satisfaire alors que le désir est insatiable. Cf. texte de Platon :
SOCRATE : Suppose qu’il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux. Les tonneaux de l’un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d’autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu’on n’obtient qu’au terme de maints travaux pénibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n’a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s’occuper d’eux ; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille. L’autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jour et nuit, en s’infligeant les plus pénibles peines. Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu’elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de l’homme déréglé ou celle de l’homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d’admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? Est-ce que je ne te convaincs pas ?
CALLICLÈS : Tu ne me convaincs pas, Socrate. Car l’homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses tonneaux, n’a plus aucun plaisir, il a exactement le type d’existence dont je parlais tout à l’heure : il vit comme une pierre. S’il a fait le plein, il n’éprouve plus ni joie ni peine. Au contraire, la vie de plaisirs est celle où on verse et on reverse autant qu’on peut dans son tonneau.
Platon, Gorgias 493 e-494a

La soif comme besoin est naturelle, tandis que la boisson et la façon de boire sont culturelles. De plus, le désir excède le besoin (cf. la différence entre la faim et la gourmandise, entre la soif et l’alcoolisme, etc.). L’objet du besoin est limité par nature tandis que celui du désir est superflu, indéfini voire infini (cf. Platon), sans cesse recherché et à conquérir à nouveau, dans une quête sans fin, parce que rien ne semble pouvoir le satisfaire. Le désir de Faust, en ce sens, est impossible ( pouvoir s’exclamer : « Arrête-toi, instant, tu es si beau ! »).
Or la culture du désir n’est-elle pas spécifique à notre société de consommation ? Cf. texte de Baudrillard :
« Il n’y a pas de limites à la consommation. Si elle était ce pour quoi on la prend naïvement : une absorption, une dévoration, on devrait arriver à une saturation. Si elle était relative à l’ordre des besoins, on devrait s’acheminer vers une satisfaction. Or, nous savons qu’il n’en est rien : on veut consommer de plus en plus. Cette compulsion de consommation n’est pas due à quelque fatalité psychologique (qui a bu boira, etc.) ni à une simple contrainte de prestige. Si la consommation semble irrépressible, c’est justement qu’elle est une pratique idéaliste totale qui n’a plus rien à voir (au-delà d’un certain seuil) avec la satisfaction de besoins ni avec le principe de réalité. C’est qu’elle est dynamisée par le projet toujours déçu et sous-entendu dans l’objet. Le projet immédiatisé dans le signe transfère sa dynamique existentielle à la possession systématique et indéfinie d’objets/signes de consommation. Celle-ci ne peut dès lors que se dépasser, ou se réitérer continuellement pour rester ce qu’elle est : une raison de vivre. Le projet même de vivre, morcelé, déçu, signifié, se reprend et s’abolit dans les objets successifs. « Tempérer » la consommation ou vouloir établir une grille de besoins propre à la normaliser relève donc d’un moralisme naïf ou absurde.
C’est de l’exigence déçue de totalité qui est au fond du projet que surgit le processus systématique et indéfini de la consommation. Les objets/signes dans leur idéalité s’équivalent et peuvent se multiplier à l’infini : ils le doivent pour combler à tout instant une réalité absente. C’est finalement parce que la consommation se fonde sur un manque qu’elle est irrépressible.»
Jean BAUDRILLARD, le Système des objets, collection Tel, Éd. Gallimard, 1968, p. 282-283.

Transition : n’est-ce pas au nom de la raison que les sagesses antiques ont cherché à borner, maîtriser, réguler ou éradiquer le désir ? N’est-ce pas, en revanche, l’imagination, cette « folle du logis » selon Pascal, qui attise au contraire le désir, le rendant insatiable, ce qu’exprime bien le mythe de Dom Juan : aucune femme ne peut le satisfaire, car ce qu’il aime par-dessus tout, c’est « la chasse et non la prise » (Pascal). Le désir, illimité par nature, serait-il condamné à imaginer plus qu’à posséder ?
- N’est-ce pas alors la culture qui conduit à la limitation du désir, ou à sa régulation, dans la mesure où il menace son existence même ?
Epicure fonde sa morale sur le plaisir et la satisfaction du désir. Encore faut-il distinguer différents désirs, ceux qu’on peut satisfaire sans risque pour soi ou les autres, et ceux qui sont vains parce qu’impossibles à satisfaire et dont il vaut mieux s’abstenir :
« Il faut en outre établir par analogie que, parmi les désirs, les uns sont naturels, les autres sans fondement et que, parmi ceux qui sont naturels, les uns sont nécessaires et les autres naturels seulement. Parmi ceux qui sont nécessaires, les uns sont nécessaires au bonheur, d’autres à l’absence de dysfonctionnements dans le corps et d’autres à la vie elle-même. En effet, une étude rigoureuse des désirs permet de rapporter tout choix et tout refus à la santé du corps et à l’absence de trouble dans l’âme, puisque c’est cela la fin de la vie bienheureuse. C’est en effet en vue de cela que nous faisons tout, afin de ne pas souffrir et de ne pas éprouver de craintes. Mais une fois que cet état s’est réalisé en nous, toute la tempête de l’âme se dissipe, le vivant n’ayant pas besoin de se mettre en marche vers quelque chose qui lui manquerait, ni à rechercher quelque autre chose, grâce à laquelle le bien de l’âme et du corps trouverait conjointement sa plénitude. C’est en effet quand nous souffrons de l’absence du plaisir que nous avons besoin du plaisir; mais, quand nous ne souffrons pas, nous n’avons plus besoin du plaisir. Voilà pourquoi nous disons que le plaisir est principe et fin de la vie bienheureuse. »
Epicure Lettre à Ménécée, §§128-129

« Quand donc nous disons que le plaisir est la fin, nous ne parlons pas des plaisirs des débauchés ni de ceux qui consistent dans les jouissances – comme le croient certains qui, ignorant de quoi nous parlons, sont en désaccord avec nos propos ou les prennent dans un sens qu’ils n’ont pas –, mais du fait, pour le corps, de ne pas souffrir et, pour l’âme, de ne pas être troublée. En effet, ce n’est ni l’incessante succession des beuveries et des parties de plaisir, ni les jouissances que l’on trouve auprès des jeunes garçons et des femmes, ni celles que procurent les poissons et tous les autres mets qu’offre une table abondante, qui rendent la vie agréable: c’est un raisonnement sobre, qui pénètre les raisons de tout choix et de tout refus et qui rejette les opinions à partir desquelles une extrême confusion s’empare des âmes.
Or le principe de tout cela et le plus grand bien, c’est la prudence. »
Epicure Lettre à Ménécée, §132
La connaissance rationnelle (la philosophie comme thérapeutique de l’âme) peut donc permettre de limiter le désir, apprendre à le maîtriser ou à le réguler. Mais le désir n’est-il pas aussi source de motivation pour aller au-delà de soi-même et de ses propres limites ? N’est-il pas, en cela, bénéfique, comme source de progrès ? La culture ne va-t-elle pas, alors, se donner comme but de réguler le désir pour le rendre sociable, interdisant certains désirs (cf. tabou de l’inceste) et cherchant à canaliser certains autres (cf. ce que Freud nomme la sublimation, c’est-à-dire le fait de détourner certaines pulsions vers des buts socialement acceptables, l’expression artistique par exemple).

Transition : mais cette tentative de régulation par la culture n’est-elle pas vouée à l’échec, puisque, comme le montre Baudrillard, son rôle est ambigu, dans la mesure où il consiste à la fois à attiser le désir et en même temps à chercher à le maîtriser, voire à interdire la satisfaction de certains désirs ?
- Ne peut-on pas, alors, limiter le désir sans le dénaturer ?
L’erreur de la morale classique n’est-elle pas de chercher à contraindre, voire à nier le désir, pour en circonscrire les effets négatifs au risque de le rendre inopérant, alors qu’il peut être considéré comme positif, puisque son absence peut entraîner des maladies psychiques graves comme la dépression, ou des actes irréversibles comme la tentative de suicide ?
Freud ne propose-t-il pas de donner au désir des buts socialement acceptables ? N’est-ce pas la fonction d’une éducation bien comprise ? Cf :
" Une violente répression d’instincts puissants exercée de l’extérieur n’apporte jamais pour résultat l’extinction ou la domination de ceux-ci, mais occasionne un refoulement qui installe la propension à entrer ultérieurement dans la névrose. La psychanalyse a souvent eu l’occasion d’apprendre à quel point la sévérité indubitablement sans discernement de l’éducation participe à la production de la maladie nerveuse, ou au prix de quel préjudice de la capacité d’agir et de la capacité de jouir, la normalité exigée est acquise. Elle peut aussi enseigner quelle précieuse contribution à la formation du caractère fournissent ces instincts asociaux et pervers de l’enfant, s’ils ne sont pas soumis au refoulement, mais sont écartés par le processus dénommé sublimation de leurs buts primitifs vers des buts plus précieux. Nos meilleures vertus sont nées comme formations réactionnelles et sublimations sur l’humus de nos plus mauvaises dispositions. L’éducation devrait se garder soigneusement de combler ces sources de forces fécondes et se borner à favoriser les processus par lesquels ces énergies sont conduites vers le bon chemin."
Mais comme on l’a vu précédemment, l’imagination joue un grand rôle dans le désir, puisqu’elle précède la satisfaction (on imagine alors la jouissance que l’on va retirer de la possession de l’objet désiré) et est sans doute aussi source de la frustration que l’on peut ressentir dans cette possession (on imaginait l’objet plus grand, plus beau, etc.), d’où un nouveau sentiment de manque et le transfert du désir sur un autre objet. Mais l’imagination n’est-elle pas aussi source du plaisir que l’on ressent davantage « à la chasse » qu’ à la prise » ?
« Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on n’est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors de l’Etre existant lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas. Si cet effet n’a pas toujours lieu sur des objets particuliers de nos passions, il est infaillible dans le sentiment commun qui les comprend toutes. Vivre sans peine n’est pas un état d’homme ; vivre ainsi c’est être mort. Celui qui pourrait tout sans être Dieu, serait une misérable créature ; il serait privé du plaisir de désirer ; toute autre privation serait plus misérable. »
Rousseau, La Nouvelle Héloïse, 1761

N’est-ce pas, au fond, le rôle de la culture que de permettre à l’homme d’exprimer et d’apprivoiser son désir pour le rendre raisonnable, dans la mesure où le contraindre excessivement pourrait avoir l’effet inverse à celui désiré, c’est-à-dire une expression débridée et non régulée, voire sauvage (cf. le retour du refoulé selon la psychanalyse) ? Réprimer par trop le désir, ne serait-ce pas aussi inhumain, dans la mesure où, comme l’affirme Spinoza, le « désir est l’essence de l’homme » ? Ne serait-ce pas aliéner l’homme plutôt que de le libérer ?
Le désir (cupiditas) est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est conçue comme déterminée, par une quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose.
« EXPLICATION Nous avons dit plus haut, dans le scolie de la proposition 9 de cette partie, que le Désir est l'appétit qui a conscience de lui-même, et que l'appétit est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est déterminée à faire les choses qui sont utiles à sa conservation. Mais, dans le même scolie, j'ai fait observer aussi qu'en réalité, entre l'appétit de l'homme et le désir, je ne fais aucune différence. Car, que l'homme soit conscient ou non de son appétit, cet appétit reste un et le même ; par conséquent, pour ne pas paraître énoncer une tautologie, je n'ai pas voulu expliquer le désir par l'appétit, mais j'ai pris soin de le définir de façon à y comprendre à la fois tous les efforts (conatus) de la nature humaine que nous nommons appétit, volonté, désir ou impulsion [impetus]. J'aurais pu dire, en effet, que le désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'elle est conçue comme déterminée à faire quelque chose ; mais de cette définition on ne pourrait pas tirer que l'esprit peut-être conscient de son désir, autrement dit de son appétit. Donc, voulant que la cause de cette conscience fût impliquée dans ma définition, il m'a été nécessaire (selon la même proposition) d'ajouter : en tant qu'elle est déterminée par une quelconque affection d'elle-même, etc. Car, par affection de l'essence de l'homme nous entendons toute organisation de cette essence, qu'elle soit innée - ou acquise - qu'elle soit conçue par le seul attribut de l'Étendue, ou enfin rapportée à l'un et à l'autre à la fois. J'entends donc ici sous le nom de Désir tous les efforts, impulsions, appétits et volitions de l'homme ; ils sont variables selon l'état variable d'un même homme, et souvent opposés les uns aux autres, au point que l'homme est entraîné en divers sens et ne sait où se tourner. »
Spinoza Ethique, Troisième partie
