Manuel d'Epictète (présentation)

Publié le par lenuki

Manuel
Épictète

Classiques & Cie philosophie
Traduction originale et analyse de R. Létoquart, revue et complétée par Claude Chrétien.
Analyse de Claude Chrétien

Présentation

Épictète et le stoïcisme

Epictète n'est pas l'inventeur du stoïcisme. Cette école philosophique a vu le jour quatre siècles plus tôt, sous les auspices de Zénon de Cittium (335-264 av. J.-C.), fondateur de l' Ecole du portique ( stoa en grec) et Chrysippe (281-204 av. J.-C). Il en est toutefois le représentant le plus célèbre et le plus influent. Pourtant, tout comme Socrate, Epictète n'a pas laissé de textes écrits de sa main. Le Manuel (étymologiquement : livre qu'on garde à la main, portatif et indispensable) est un abrégé de ses Entretiens qui furent écrits par l'un de ses disciples, Flavius Arrien.

À quoi l'exceptionnelle renommée de Epictète tient-elle dans un tel contexte ?
Tout d'abord, il faut savoir que la doctrine stoïcienne, qui s'étend sur six siècles - du IV e avant J.-C. au II e ap. J.-C. avec l'empereur Marc-Aurèle (121-180) - a concerné une grande partie du bassin méditerranéen, influença les penseurs et les philosophes les plus éminents, jusqu'à Pascal et Descartes qui s'en inspirent partiellement tout en le critiquant.

D'autre part, Epictète, tout comme Socrate à nouveau, offre l'image d'une unité exceptionnelle entre un enseignement théorique (il ne faut pas tenter d'entraver l'ordre du réel) et un style de vie qu'il est parvenu à incarner avec une force d'âme exemplaire. En un certain sens, Epictète est le philosophe par excellence. Dans le langage courant, « être philosophe », cela signifie être courageux, humble et réfléchi, comme un stoïcien : par exemple comme le fut Epictète.

Epictète est né esclave à Hiérapolis en Phrygie vers l'an 50. Tout jeune encore, il fut déporté et vendu à Rome à un certain Hépaphrodite, lui-même ancien esclave affranchi de Néron. Parvenu jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir, celui-ci fut à la fois un courtisan servile et un maître brutal. Selon la légende, il frappa un jour Epictète si violemment qu'il lui brisa la jambe. Le futur philosophe encaissa sans sourciller (« tu vois, tu y es parvenu » aurait-il seulement commenté !). Cette anecdote donne un aperçu du caractère bien trempé de cet esclave peu banal qui, affranchi à son tour, ouvrit sa propre école dans sa modeste cabane d'Epire et devint, jusqu'à la fin de ses jours, prédicateur moral.

Les idées maîtresses

De ses anciens maîtres, Epictète reprend les grandes lignes d'une doctrine pourtant à première vue sévère, car elle est axée essentiellement sur une morale « ascétique » (qui prône l'ascèse, c'est-à-dire la maîtrise des désirs et le contrôle de soi). Pour tous les stoïciens, le monde est soumis à une rationalité intangible devant laquelle nous ne pouvons que nous incliner. Notre existence est comparable à une pièce de théâtre, mais nous n'avons pas choisi le rôle qui nous est imparti. Ce rôle, celui d'un prince parfois, d'un esclave plus couramment, nous devons l'assumer et l'incarner avec le plus de conviction possible. Le stoïcisme cependant n'est pas un « fatalisme » ni une forme de résignation. Epictète pense que chacun d'entre nous peut coopérer activement et joyeusement à l'ordre des choses à condition de n'attacher d'importance qu'à ce qui compte vraiment, à savoir ce qui dépend de notre volonté. Le partage entre « ce qui dépend de nous » et « ce qui n'en dépend pas » est donc la clef du bonheur. Car, pour Epictète comme pour tous les stoïciens, l'homme est fait pour être heureux. Et même si les événements qui nous sont extérieurs, par définition, ne dépendent pas de nous, toutes nos pensées et nos états d'âme sont en notre pouvoir. Il nous appartient donc d'orienter notre vie avec intelligence et courage, de telle sorte qu'aucune circonstance accidentelle ne puisse nous affecter durablement.

Le déroulement du Manuel

Constitué d'une suite de maximes, restituant des échanges spontanés et improvisés, le Manuel n'est pas vraiment structuré.

  • La partie I expose le cœur de la doctrine, à savoir la différence entre «ce qui dépend de nous» et «ce qui n'en dépend pas».
  • Les parties III et IV portent sur le bon usage de nos représentations.
  • Les parties VII à XIV évoquent le destin et montrent que la liberté n'implique pas une révolte contre l'ordre du monde, tout au contraire.

•  De la partie XV à la fin (partie LIII), Epictète explique comment et pourquoi le philosophe peut se libérer de la souffrance et de la peur de la mort. De ce point de vue il se rapproche des Dieux : « l'homme se divinise en adhérant à l'ordre du monde » (XV).

 

 

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