L'Etat

Publié le par lenuki

 

 

Principe de l'Etat

 

L'Etat avec une majuscule

L' « Etat » s'écrit avec une majuscule quand il désigne d'abord l'autorité politique souveraine exerçant sur un territoire et une population donnés, en vertu d'institutions établies. Ces institutions regroupent les structures politiques, juridiques, militaires, administratives, voire économiques selon lesquelles le pays est organisé. Le point commun avec « état », écrit avec une minuscule, est non pas l'idée d'arrêt, ou de non-évolution, mais celle de permanence. L'Etat subsiste même quand le chef d'Etat meurt ou démissionne. La majuscule révèle une sorte de caractère absolu, intangible, de l'autorité et des institutions présentes.

 

L'Etat politique

Le terme « Etat » s'applique également au pays ou à la société tout entière en tant qu'il désigne leur mode d'organisation selon le principe du pouvoir institutionnalisé. L'erreur serait de confondre l'Etat avec le seul pouvoir exécutif, quoique cette confusion ne soit pas due au hasard. Il y a bien une forte insistance portée sur l'autorité centrale, sur le pouvoir distinct de la société civile. Mais, au sens strict, l'Etat regroupe l'ensemble des pouvoirs et l'ensemble de la société. Il est un des types d'organisation politique qu'une  société peut avoir. Et il peut à son tour se décliner sous plusieurs formes : démocratie, monarchie, ou même dictature. Ce sont des formes d'Etat possibles.

 

L'Etat nécessaire ?

L'Etat n'a pas toujours été prépondérant, dans l'Histoire et dans les peuples, comme type d'organisation. Néanmoins, il est désormais partout présent, et, lors de la décolonisation par exemple, les peuples nouvellement libérés se sont la plupart du temps constitués en Etats. Ce qui amène la question de savoir pourquoi une telle organisation semble la meilleure. Toute société n'est-elle pas fondamentalement vouée à être un Etat, ou l'Etat n'est-il pas la forme la plus achevée de l'organisation sociale ? Pourtant, la forte présence du pouvoir pose problème : le pouvoir peut-il être très répressif, corrompu, dictatorial, etc.

Quelle est donc sa légitimité en tant que pouvoir ?

 

  • 2. Sur quoi repose l'Etat?

 

La force du souverain

Le pouvoir de l'Etat est très étendu sur les individus. Hobbes le compare au Léviathan, monstre cité dans la Bible. Il possède, en effet, le droit de vie et de mort sur ses sujets, peut les engloutir ou les estropier dans la guerre. Mais c'est aussi un monstre du fait qu'il est une construction artificielle, et non un élément naturel. Il a une force extraordinaire, qui constitue tout son intérêt. Chaque individu a en effet les mêmes forces naturelles qu'un autre, ou du moins personne n'est assez fort pour l'emporter de façon définitive sur les autres. Il n'y a justement pas de loi du plus fort, à la différence des animaux. L'Etat, c'est-à-dire le souverain, rompt cette égalité.

 

La légitimité du souverain

Personne ne peut vivre dans un état de nature sans frein, car personne ne veut risquer la mort sans arrêt. Le souverain est donc l'émanation ou l'expression d'une volonté de tous : celle qui consiste à vivre en sécurité et en paix, celle qui refuse plus que tout l'Etat de guerre civile permanent. Pour Hobbes, cela résulte d'un pacte qui consiste à abandonner le pouvoir de mener sa vie selon son bon plaisir, au profit du souverain. Il s'agit de donner à ce dernier le droit et le pouvoir de tout faire en échange de la sécurité de tous. C'est ce transfert de pouvoir qui donne à l'Etat sa force artificielle. C'est la raison de ce transfert qui donne à l'Etat sa légitimité. Sa fonction est vitale. Est-elle toujours assurée néanmoins ?

 

Examen de la souveraineté

 

  • 1. Le pouvoir souverain nous menace-t-il?

 

Typologie des souverainetés ?

C'est toujours le souverain qui doit détenir le pouvoir absolu. Si la souveraineté se divise, on risque de se retrouver proche de l'état de nature, dans un conflit permanent. A ce titre, Hobbes ne cache pas que la monarchie absolue est, pour lui, le meilleur régime puisqu'il y a justement une seule source de décision. Le pouvoir est ainsi plus compact et plus efficace pour prendre des décisions rapides. En démocratie, c'est l'inverse, le pouvoir souverain est composé d'une multitude de représentants : les débats peuvent être longs et houleux, comme on peut le constater aujourd'hui à l'Assemblée Nationale.

 

Le cas de la liberté

La liberté n'est pas, pour Hobbes, un critère de différenciation entre les régimes. La démocratie, l'aristocratie et la monarchie ne diffèrent que par le nombre de ceux qui composent le souverain, ou par les conditions requises pour en faire partie. Mais on est tout autant dominé par le pouvoir dans l'une que dans les autres. Si être libre veut dire en effet ne pas être soumis à des lois, c'est de toute façon impossible sous peine de retomber à l'état de nature. Et si l'on dit qu'en monarchie, les individus n'ont pas la liberté d'aller et venir ou sont tous emprisonnés physiquement, c'est totalement faux. Donc la liberté dans l'Etat concerne, pour les citoyens, tout ce que la loi n'interdit pas ou n'envisage pas, quelle que soit la nature du souverain.

 

Le prix de la sécurité

Si c'est la sécurité seule qui est voulue, si c'est le maintien de la vie à tout prix, le risque est de légitimer n'importe quel type de pouvoir, y compris celui gagné par la guerre, y compris celui qui bafoue des libertés. Et c'est bien souvent dans les sociétés les plus dictatoriales, ainsi que le remarque Montesquieu, qu'il y a en effet le plus d'ordre apparent partout : dans les assemblées, dans la rue, dans les médias, etc., puisque tout y est réprimé. Sans parler du caractère belliqueux de ce genre de régime, qui peut justement provoquer des guerres. La sécurité est alors elle-même en jeu.

 

  • 2. Quel est le meilleur Etat possible?

 

Le but de l'Etat : la liberté

La liberté est la seule raison d'être de tout l'édifice politique. Dans le Traité théologico-politique, Spinoza critique Hobbes en inversant sa théorie. Le souverain n'est pas là pour dominer le peuple par la crainte, mais il doit justement éliminer cette dernière et éviter toute soumission au droit d'un autre, sans quoi c'est la nature même de l'être humain qui est bafouée.

Donc un citoyen peut émettre un jugement défavorable à l'égard d'une loi, s'il le fait raisonnablement, sans pour autant être un rebelle. Le souverain aurait même  intérêt à écouter  toute critique intelligente, afin d'améliorer les lois. La démocratisation est donc l'essence de l'Etat.

 

Principe de l'Etat : le pouvoir législatif

Il n'est pas d'autre souveraineté qu'un pouvoir législatif. Une monarchie absolue est incompatible avec la société politique. Y règne en effet l'arbitraire du souverain, et aucun arbitre ne peut défendre un citoyen envers ce qui pourrait être un abus de pouvoir. Or c'est pourtant le but de toute association. Il faut donc constituer des lois de respect des propriétés et des personnes, et les faire ensuite appliquer et respecter par des juges indépendants. Locke établit ainsi que tout pouvoir, y compris le roi, doit être soumis aux limites données par le pouvoir législatif. Et comme ce dernier émane de la volonté populaire, toute société a en fait pour souverain le peuple.

 

Constitution de l'Etat : la division des pouvoirs

Le pouvoir législatif ne siège pas toujours, contrairement au pouvoir exécutif. Il y a donc bien différentes sources de pouvoir dans un Etat, la souveraineté y est en quelque sorte éclatée. Mais, loin d'être un problème, c'est au contraire tout l'intérêt. Si l'on établit une Constitution, comme le défend Montesquieu, on répartit les pouvoirs et leurs prérogatives respectives, afin qu'ils s'empêchent réciproquement d'agir de façon excessive. C'est l'inverse du schéma de Hobbes. Pour ce dernier, le souverain doit son existence aux conflits permanents entre les individus, à l'état de nature, qu'il s'agit d'éviter. Ici, c'est à la rivalité entre les différents pouvoirs que le citoyen doit son assurance d'être respecté en tant que tel. Est-ce néanmoins toujours efficace ? Quelle est la place du citoyen au sein de l'Etat ?

Publié dans politique et morale

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