L'homme et le pouvoir de dire " je"

Publié le par lenuki

Le pouvoir de dire je fait de l'homme une personne

 

 

«  Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être entièrement différent par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise ; et ceci, même lorsqu'il ne peut pas dire Je, car il l'a dans la pensée ; ainsi toutes les langues, lorsqu'elles parlent à la première personne, doivent penser ce Je, même si elles ne l'expriment pas par un mot particulier. Car cette faculté (de penser) est l'entendement. Il faut remarquer que l'enfant qui sait déjà parler assez correctement ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire Je ; avant il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher, etc.) ; et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler. Auparavant, il ne faisait que sentir ; maintenant il pense. »

Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique (1797),

Livre I, trad. M. Foucault, Vrin, 1964.

 

Pouvoir de dire JE permet à l'homme de transcender l'ordre naturel

 

La conscience de soi
  • « Posséder le Je dans sa représentation », c'est être capable de se saisir soi-même parun retour sur soi comme un être unique et identique à soi-même dans le temps. Autrement dit, accéder à la conscience de soi. Le Je utilisé comme substantif désigne donc le sujet capable de totaliser le divers dansla représentation, de rendre présent aussi bien ce qui se déroule en la conscience que ce qui lui est extérieur.
     
  • C'est la possession de ce pouvoir qui caractérise l'homme. Seul il peut dire Je, c'est-à-dire se prendre soi-même comme objet et se représenter le monde. C'est là, souligne Kant, un pouvoir qui « élève l'homme infiniment au-dessus de tous les êtres vivants ».
  • Par ce retournement de la conscience sur elle-même, l'homme peut transcenderl'ordre naturel auquel il appartient. Il se distingue radicalement de l'animal qui, n'ayant pas accès à la conscience de soi, fait partie des choses.

 

L'homme, un être qui a une dignité, une valeur absolue

 L'homme est une personne, un sujet moral responsable et possédant une dignité, une

 valeur absolue. Contrairement aux choses qui ont une valeur relative et qui peuvent être utilisées comme simple moyen, l'homme constitue une fin en soi.

Seul, un être ayant conscience d'être un et identique par-delà la multiplicité des états

 de conscience internes et des expériences vécues, peut être un sujet ayant des droits et des devoirs.

 

Définition de la personne

La personne désigne l'individu humain comme singulier universel. Tout homme peut

dire je, c'est-à-dire totaliser le divers, et doit reconnaître tous les autres qui peuvent dire je.

La personne est aussi une catégorie juridique : un sujet reconnu par le droit comme

 acteur libre et responsable.

Elle est aussi une catégorie morale : un sujet ayant des devoirs de vertu, en particulier

 celui de travailler au bonheur de ses semblables ou tout au moins de donner comme fin à ses actions le respect de l'humanité en sa personne et en celle d'autrui.

 

L'entendement ou le pouvoir d'unification de la conscience

Le je n'est qu'une expression de l'entendement, défini comme pouvoir de penser les

objets au moyen de concepts unifiant et ordonnant le divers.

L'absence du mot je dans certaines langues n'implique donc pas l'absence de cette

 faculté propre à tout homme d'unifier le divers de la représentation.

 

 

Un éveil progressif à la conscience de soi

Kant souligne que l'enfant qui commence à parler ne dit pas spontanément je, mais

 parle d'abord de lui à la troisième personne.

L'éveil de l'enfant à la conscience de soi est le résultat d'une maturation.

 

Vers la personne morale

Kant note ensuite que l'apparition du je chez l'enfant est irréversible. Ayant

 conscience de lui-même, il accède désormais au règne des personnes morales. Il devient un sujet : « Auparavant, il ne faisait que se sentir ; maintenant il se pense. »

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