Sagesse du désir ?

Publié le par lenuki

désir et sagesse

 

  1. 1.      Le désir est-il raisonnable ?

 

 

Si le désir commande toutes nos actions et constitue l’essence de l’homme, il oriente aussi nos jugements. Il ne se contente pas de nous faire tendre vers ce que l’on juge bon ou bien, mais c’est par lui, et sous son emprise, que l’on juge quelque chose. On doit donc raisonner ainsi : un bien désiré est un bien parce que c’est désiré. Et non pas c’est jugé bien, par la raison par exemple, et ensuite cela peut être désiré. Si quelque chose est jugé bien, c’est par désir uniquement.

 

Comme l’estime Epicure, le plaisir constitue la première et la plus forte expérience de satisfaction dans notre vie, de sorte que notre jugement est nécessairement conditionné à appeler « bien » ce qui correspond au plaisir. Ce dernier devient la norme et le critère général du bien. Il en va ainsi, selon cet auteur, du fait de la constitution matérielle de tous les êtres.

 

 

Cela ne veut pas dire que tous les plaisirs se valent, ni qu’ils sont tous dignes d’être recherchés. Un plaisir obtenu ponctuellement peut se solder par un mal postérieur durable, et inversement. On va donc choisir certains plaisirs plus que d’autres, parce qu’ils permettent d’obtenir finalement davantage de plaisir. S’instaure ainsi, par l’expérience, une sorte de sagesse des désirs, ou de calcul du plaisir. Il n’y a plus de sens à opposer deux discours différents : celui de la raison lucide qui sait ce qui est bien, et celui du désir qui se contenterait de la sensation immédiate ou prochaine du plaisir. Ici, le désir devient par lui-même raisonnable.

 

 

  1. 2.      Le désir peut-il être satisfait ?

 

 

On parvient d’autant mieux à réguler l’exercice et la force du désir que l’on sépare notamment des types de désirs différents, ainsi que nous invite à le faire Epicure. Il distingue, en effet, les désirs vains d’un côté, des désirs naturels et nécessaires de l’autre. Les premiers ont pour objet des biens en quantité illimitée – richesse, gloire, etc., – ou des choses impossibles comme l’immortalité. Ils sont donc voués à n’être jamais assouvis. Les secondes s’attachent, au contraire, aux seuls besoins en quantité objectivement limitée.

 

Il ne s’agit pas de mener une vie austère et frugale, ni de se contenter des stricts besoins. Epicure précise qu’il faut seulement se rappeler que le plaisir apparaît pleinement dès la limite satisfaite des besoins, le reste n’étant que superflu. Ainsi, en toute occasion, le niveau suffisant du plaisir est atteint, puisqu’on considère toujours avec justesse ce qui doit être obtenu en priorité. Le bonheur est alors constant.

 

 

Le problème est que le désir humain ne se limite justement pas au besoin. Il ne se satisfait pas de ce qui est fini ou limité, sous peine de perdre son identité de désir. Ce dernier est en quelque sorte aspiration à l’infini. Platon l’a, par exemple, mis en lumière dans le passage célèbre du Banquet, où il est question de définir et de décrire l’amour. On désire d’abord le corps de l’être aimé, mais cette beauté du corps est extérieure, apparente, elle nous condamne un jour à la déception. L’amour véritable, source de bonheur, doit s’élever à la beauté de l’âme, qui, selon le jugement de Platon, est immatérielle et éternelle, (cf. chapitre 12 p. 118).

Dans ce cas, l’aspiration à l’infini est davantage satisfaite.

 

Epitecte désir

 

 

 

Publié dans philosophie générale

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