Conscience d'être et connaissance de soi

Publié le par lenuki

Suis-je ce que j'ai conscience d'être ?

 

Introduction

« L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant....Quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus grand que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers ne le sait pas »  Pascal    Pensées

                                                                                                                         

Pascal souligne ici le privilège qu'a tout homme d'être conscient de ce qu'il est. Un tel privilège est-il pour autant acquis avec la condition humaine ? L'expérience ne m'apprend-elle pas que tout humain que je sois, il arrive bien souvent que ce que je m'imagine être diffère de ce que je suis réellement, et que je fasse donc erreur sur ce que je suis. Aussi le problème se pose-t-il de savoir si je suis bien ce que j'ai conscience d'être. En effet, ne puis-je pas me faire des illusions sur moi-même ? De plus, n'y a-t-il pas, en moi, une partie de moi  (l'inconscient) qui par définition m'échappe ? Enfin, mon être est-il figé pour toujours ? N'ai-je pas à devenir ce que je suis ? En ce sens, la connaissance de soi, loin d'être acquise, n'est-elle pas à recommencer sans cesse ?

 

Analyse du sujet

La question porte sur la connaissance de moi-même à laquelle je peux prétendre par la conscience que j'en prends. Y a-t-il conformité entre le contenu de la conscience de soi et son objet ( ce que je suis réellement ) ?

Conscience de soi = appréhension que l'on a de ce que l'on est Þ ce savoir introspectif rend-il bien compte de ce sur quoi il porte, c'est-à-dire moi-même ?

 

Présupposés de la question

+  que la conscience de soi est, en quelque façon, faculté de connaissance de soi ( n'est-elle pas plutôt conscience d'exister que conscience d'être ceci ou cela ? ).

+  que je sois quelque chose et donc en quelque manière définissable. Ai-je une essence ou bien mon existence précède-t-elle mon essence ?

+   Qu'il y ait un moyen de savoir si la conscience dit vrai. Y a-t-il une voie d'accès à la réalité autre que la conscience ? On peut en douter Þ distinguer deux niveaux de conscience,

immédiate et réfléchie.

 

Elaboration de la problématique

Question mère : comment savoir si JE = CE que j'ai conscience d'être ? En me demandant :

+ si la conscience m'apprend quoi que ce soit sur moi-même et s'il y a lieu de distinguer deux niveaux de conscience différents ?  Y a-t-il un savoir sur soi auquel la conscience de soi peut prétendre ?

Référence possible : Descartes, la démarche du cogito ( n'y a-t-il pas un avant et un après cogito ? ).

+ si le savoir ainsi obtenu est suffisant, comme savoir.Donc interroger les données de la conscience pour savoir si elles sont fidèles, si elles rendent bien compte de ce que je suis, c'est-à-dire si elles sont bien complètes.

Références possibles : ceux qui ont suspecté la véracité de la conscience : Spinoza, Nietzsche, Freud ( existence de l'inconscient ).

 

Recherche d'une solution au problème

A ) Que puis-je savoir sur moi-même à l'aide de la conscience que j'ai de moi-même ?

Cf. Descartes : + spontanément, pas grand chose de clair et sûr

                         + de façon réfléchie : apparemment moins, mais mieux

                         +  conséquence : il y a conscience et conscience ! D'où distinguer conscience immédiate et conscience réfléchie

Transition : l'illusion de la conscience ne consiste-t-elle pas à prendre ce savoir limité pour un savoir total ?

B ) la conscience de soi ne produit-elle pas alors, paradoxalement, une méconnaissance de soi ?

+ la conscience de soi ne connaît-elle pas des limites qu'elle ignore et qui produisent des illusions ?  cf. Spinoza : nous ignorons les causes de nos désirs.

+ la conscience de soi n'est-elle pas trompeuse ? N'est-elle pas le jouet de forces en moi, sorte de volonté organique dont je n'ai pas connaissance et qui me fait faire ce que je fais à mon insu ?  cf. Nietzsche

+ la conscience n'est-elle pas piégée par des forces qui la tiennent à l'écart et qui pourtant déterminent sa conduite ? cf. Freud : Moi coincé entre le Ca et le Surmoi.

C )  Mais la méconnaissance de soi est-elle inéluctable ?

+ solution spinoziste : connaissance du troisième genre, conscience ajustée à l'Etre par la Raison.

+ solution nietzschéenne : la philosophie du soupçon ( conscience suspectée par la conscience elle-même, comme chemin  vers la lucidité ).

+  solution freudienne : la cure psychanalytique dont le but est la conscience de soi par la verbalisation de ce qui nous anime et nous bloque ( ou nous fait souffrir ).

 

Conclusion
Livrée à elle-même, la conscience spontanée de soi est source d ‘erreurs et d'illusions, dupe, manipulée et condamnée à la méconnaissance. Si je veux une chance de savoir ce que je suis, il faut élever ma conscience au niveau, supérieur, de la conscience réfléchie : ce que Socrate aidait ses interlocuteurs à faire, ce que Descartes nous a appris à effectuer, ce que réalise l'entreprise philosophique. D'où l'exclamation de Pascal : « Travaillons à bien penser ! ».

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