Correction de devoirs sur le désir

Publié le par lenuki


Pourquoi désirer l'impossible ?

 

 

Etymologiquement, le désir (du latin desiderare) a pour sens la nostalgie d'un astre disparu, ce qui évoque un désir d'impossible. De plus, on perçoit ici la notion de manque irréversible qui implique la souffrance : on n'obtiendra jamais la satisfaction qui aurait été procurée par la possession de cet astre. D'où l'ambiguïté du désir : source de douleur lorsqu'il est insatisfait, source de plaisir lorsqu'il est comblé. Alors ne peut-on penser que le désir d'impossible, n'entraînant que déception et frustration, c'est-à-dire malheur, serait à bannir ? Pourtant, qui n'a jamais rêvé d'immortalité ? Ou de devenir milliardaire ? Le désir d'impossible, en ce sens, ne serait-il pas au cœur du désir, comme excédant le besoin ? Sommes-nous pour autant tous condamnés à une vie de détresse et d'échecs permanents ? Convoiter ce qui est hors de notre portée n'aurait-il aucun sens ? Le désir d'impossible ne serait-il qu'un fantasme destructeur ? Ne peut-il, au contraire, constituer le moteur de notre existence, en lui donnant un sens ?

 

plan en 3 parties :

 

+  Il est dangereux de vouloir l'irréalisable.

+  Mais le désir d'impossible n'est-il pas dans la nature du désir ?

+  Ne peut-on tirer parti de ce qui semble utopique, mais qui peut, aussi, être utile, voire

    nécessaire ?

 

I. Au cours de notre éducation nous apprenons à ne désirer que le possible (cf. « arrête de rêver »). Les désirs vains (cf. Epicure) ne seraient-ils pas, en effet, source de malheur et de souffrance, puisque irréalisables ? Or vouloir accomplir l'irréalisable ne serait-il pas inutile, voire dangereux ? Ex : le visage de ses rêves par chirurgie esthétique, la richesse par le jeu du hasard jusqu'à la ruine à les désirs vains n'entraînent-ils pas le risque de la destruction de soi ?

De plus (cf. Madame Bovary) le désir d'impossible peut amener à passer à côté de la vraie vie en vivant dans un monde de rêves au lieu d'apprécier le moment présent. D'où le refuge dans l'imaginaire au lieu d'affronter la réalité, jugée a priori trop décevante. Ou la projection dans le futur qui fera vivre dans l'attente infinie d'un but inatteignable. Cf. homme obsédé par la vie éternelle, qui terminera sa vie sans avoir pu vraiment l'apprécier à souffrance de ne pas pouvoir atteindre son but et frustration de n'avoir pas profité du temps imparti. Or dans la Lettre à Ménécée, Epicure explique que pour mener une vie heureuse, il faut se débarrasser des désirs vains pour ne conserver que les désirs nécessaires. En effet, le désir d'impossible apparaît incompatible avec la fin naturelle de nos actes qu'est le bonheur. Si le désir consiste à vouloir compenser ce qu'on a perdu, plus la perte sera limitée, plus il sera facile de le satisfaire. Une vie heureuse serait donc une vie frugale dans laquelle on ne désirerait que ce qui est nécessaire « au bonheur, à la tranquillité du corps et à la vie elle-même ». Le plus heureux des hommes n'est-il pas, en effet, celui qui ne demande rien d'autre que ce qu'il peut obtenir aisément ? Mais n'est-ce pas là réduire le désir au seul besoin, alors même qu'il s'en distingue en l'excédant ? Les hommes peuvent-ils se contenter de ce qu'ils ont ? Peut-on contrôler ses désirs au point de ne désirer que le possible ?

 

II. En effet, si le besoin représente le nécessaire, le désir apparaît n'avoir aucune limite, et peut désigner aussi bien le possible que l'impossible. De plus, si le désir s'enracine dans l'inconscient (cf. Spinoza : les hommes ignorent les causes de leurs désirs), qui ne connaît pas la distinction possible / impossible, comment l'impossible ne serait-il pas au cœur de notre désir ?

Tout d'abord, le désir est toujours renaissant : dès qu'un désir est satisfait, un autre renaît, ce qui rend le désir insatiable et irréalisable. La satisfaction n'est, au mieux que provisoire, puisqu'il y aura toujours mieux que ce que l'on possède. De plus, le désir idéalise, ce qui compromet sa satisfaction, teintée de déception. En ce sens, ne désire-t-on pas, toujours, l'impossible ? De plus, le désir n'est-il pas souvent attiré par les interdits d'ordre moral ( désir de transgression) ? Braver l'interdit procure un indéniable plaisir. Pourtant, tous les interdits,  ne peuvent être transgressés, même si l'homme désire souvent ce qu'il sait être impossible moralement (vol, meurtre). En ce sens, le désir d'impossible ne serait-il pas le désir par excellence ? Or si le désir est « l'essence de l'homme » (Spinoza) n'est-il pas alors dans la nature de l'homme de désirer l'impossible ? Mais si l'impossible est source de malheur, tous les hommes ne sont pas, pour autant, malheureux. Désirer l'impossible ne pourrait-il pas,

paradoxalement, procurer du plaisir ? L'acte de désirer lui-même n'est-il pas agréable ?

 

III. « Malheur à celui qui n'a plus rien à désirer » s'exclame en effet Rousseau, qui ajoute : 

« on jouit moins de tout ce qu'on obtient que de ce qu'on espère » . Vivre nos fantasmes dans l'imaginaire ne serait-il pas source de plaisir ? Rêver du Prince Charmant ne conduit pas nécessairement à rejeter tous les hommes qui se présentent, préservant l'espoir du grand amour... ! De plus, désirer l'impossible ne peut-il pas constituer un facteur de progrès, la volonté de nous dépasser pour parvenir à nos fins nous poussant à l'action ? Le désir d'impossible, s'il est exploité avec intelligence, ne peut-il pas devenir une puissance de création, nous permettant de réaliser nos ambitions et donc de nous épanouir ? La notion d'impossible n'a-t-elle pas, enfin, évolué selon les époques ? Ce qui est impensable à une certaine période ne l'est pas nécessairement dans l'absolu, et ne pas essayer de réaliser l'impossible peut conduire à l'immobilisme (cf. Icare / les avions). Et l'impossible ne peut-il constituer un idéal, dont on peut essayer de se rapprocher ? Cf. ce que Kant nomme un idéal régulateur, qui peut être utile comme principe d'action.

« Soyons réalistes, demandons l'impossible » disait le Che. Aucun idéal ne doit être considéré comme impossible, mais au contraire comme un but à atteindre pour rendre le monde meilleur. Une vie dédiée au combat contre la faim n'est pas une vie perdue à chasser un rêve mais une vie pleine de sens. Le désir d'impossible  peut ainsi se révéler utile, s'il pousse à une action positive.

 

Conclusion

Si certains désirs d'impossible sont dangereux et peuvent provoquer un renfermement en soi-même, le désir d'impossible est en chacun de nous et il faut en tirer parti. Pour cela, il ne suffit pas d'espérance, mais de volonté pour rendre de tels désirs productifs et créateurs, donateurs de sens existentiel.





Doit-on satisfaire tous ses désirs ?

 

Chez l'homme, la quête du bonheur est omniprésente. Notre envie d'acquérir ce bonheur se traduit par nos désirs, qui marquent un manque, donc un mal être, mais en faisant miroiter à la fois un plaisir accessible et bénéfique, pouvant combler en partie ce manque. Néanmoins cette satisfaction n'est qu'illusoire et ne permet sans doute pas d'accéder pleinement au bonheur. Aussi l'accès au bonheur passe-t-il par la réalisation de tous nos désirs ? Par leur accomplissement ? Ou bien doit-on vivre de ce que nous apporte le désir sans chercher à atteindre un bonheur hypothétique ? D'ailleurs ce dernier est-il totalement accessible ?

 

L'atteinte du bonheur s'effectue par l'atténuation voire l'effacement de tout ce qui pourrait causer de la peine, de la douleur. En ce sens, le désir étant une tension issue d'un mal être, pour atteindre le bonheur, il faut assouvir cette envie. C'est en comblant un vide que l'on fait apparaître un certain contentement. Combien de personnes désireraient manger à leur faim et pourraient ainsi accéder à un bout de joie ? Aussi la plénitude n'existe que dans le ravissement de tout ce que la nature nous offre. Cette même nature, qui nous permet de vivre, et qui ne nous veut forcément que du bien. C'est pourquoi il ne faut pas mettre de barrières à ses désirs, sinon les exalter, par confiance vis à vis de la nature et du bien qu'elle peut nous apporter. Par ailleurs, qui pourrait se permettre de ne pas vivre complètement sa vie, ne sachant pas ce qui pourrait lui arriver le lendemain ? Cette personne serait alors toujours hésitante et craintive de ce qui pourrait lui arriver, et donc de ne pas avoir demain ce qu'elle peut avoir aujourd'hui. Cet état lui fermerait alors l'accès à la béatitude. C'est dans cette logique que Calliclès vante les bienfaits de l'intempérance : « Il faut laisser prendre à ses passions tout l'accroissement possible et être capable de leur donner satisfaction », énonce-t-il dans le Gorgias de Platon. Par là il nous incite à travailler à l'éclosion de tous nos désirs pour aller dans le sens de ce que nous propose la nature et ainsi profiter de ses bienfaits. Enfin il est des désirs qui outrepassent la simple quête du bonheur, parce qu'ils sont du ressort du nécessaire. Personne ne peut en effet réprimer nos désirs primaires tels que manger ou dormir, car il nous permettent tout simplement de survivre. Il serait alors suicidaire de ne pas les assouvir, car ils sont inéluctables.

 

La réalisation de nos envies nous est donc nécessaire, à la fois pour accéder à la sérénité de l'âme et en même temps pour ne pas gâcher tout ce que la nature nous permet d'avoir ou tout bonnement rester en vie. Cependant tous les désirs ne sont pas forcément bons à accomplir. Il en est certains qui viennent contredire l'hédonisme de Calliclès. Souvent après avoir profité de la joie ponctuelle qu'apportait l'accomplissement d'un désir, une autre envie apparaît. Un désir appelle donc un autre désir et ceci se produit de façon répétitive. Ainsi une personne cédant à la tentation de manger un chocolat, cédera à la tentation d'en manger un autre, pour finalement finir la boîte. La réalisation d'un désir amène donc une perpétuelle apparition de nouvelles envies et fait éclore une insatisfaction chronique. Par ailleurs, sans désirs, l'homme resterait sans but à atteindre, sans raison d'exister, n'ayant plus aucune chose à apprécier. Il serait dans cet état tragique qui le condamnerait à ne plus rien attendre de la vie. Il ne serait probablement même plus considéré comme un homme, n'ayant plus rien à découvrir ou désirer sur l'humanité. On ne peut pas ici considérer la pleine satisfaction des désirs comme un bienfait mais au contraire comme un lourd handicap. Enfin il est des désirs qui peuvent se révéler être négatifs. Certains d'abord de par leur caractère vain. Ces derniers ne pourront jamais être réalisés et créent une frustration pour ceux qui souhaitent les faire naître. L'envie d'immortalité par exemple amène un profond désespoir pour les personnes qui tentent de l'atteindre et compromet leur accès au vrai bonheur. Ensuite d'autres  désirs peuvent engendrer de la douleur pour soi ou pour autrui. Ils peuvent apparaître ponctuellement ou après un événement spécial et être fortement regrettés ou engager une mauvaise fin une fois assouvis. Ces envies sont assimilées à des pulsions, telle la pulsion du meurtrier désireux de pouvoir effacer l'acte commis. Enfin le désir encore présent à l'état de pensée est façonné, modélisé par l'inconscient et peut apparaître d'une autre façon une fois réalisé. Il amènerait une fois encore une déception. On remarque donc que l'assouvissement de tous ses désirs ne fait pas accéder à la sérénité absolue, et peut même au contraire apporter plus de mal que de bienfaits. A partir de là, dans quelle mesure les désirs peuvent-ils nous faire accéder au bonheur ? Peut-on seulement y accéder ?

 

Nos désirs, trop exploités, amèneraient une vie morose, sans but, sans raison d'être vécue. En revanche, s'ils sont enfermés en nous, ils ne nous permettent pas de vivre notre vie pleinement. Dès lors la perspective du bonheur à travers l'usage ou non de nos envies semble impossible. Il n'en est cependant rien. Effectivement les désirs, comme de nombreuses choses dans la nature, sont soumis à quelques lois. S'ils sont trop ou pas assez utilisés, ils perdent de leur action bénéfique voire agissent de façon inverse à celle recherchée. Il suffit donc de trouver le juste milieu qui nous permettrait d'accéder à la prospérité. Il faudrait alors se fixer des limites en gardant certains de nos désirs pour ne pas avoir le malheur de plus rien avoir à désirer, comme le soutient Rousseau, et d'autre part lâcher prise et céder à d'autres en suivant les valeurs de la nature que défend Calliclès. L'accès au bonheur n'est donc qu'une simple question d'équilibre qu'il suffit de maintenir pour pouvoir y parvenir. La solution de l'hédonisme se trouve donc en partie dans la nécessité de se libérer des contraintes et d'exalter tous nos désirs. Cependant en partie seulement, car de cet affranchissement s'ensuivent de nombreux désavantages qui peuvent anéantir toute la satisfaction acquise. Il est donc nécessaire de se contrôler et d'agir avec parcimonie.

 

 

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