Homo homini lupus
Cette formule qu’on attribue souvent à Hobbes, philosophe anglais (1588- 1679), apparaît pour la première fois dans une comédie de Plaute (254-184 av JC) dans une de ses pièces de
théâtre intitulée La comédie des ânes. On la retrouve ensuite, sous une forme approchée, dans Les Tragiques du poète français Agrippa d’Aubigné (1552-1630) :
« L’homme est en proie à l’homme, un loup à son pareil ».
L’attribution à Hobbes s’explique par le fait que l’idée qu’elle exprime au travers de cette image joue un rôle important dans sa philosophie politique, alors même qu’elle ne figure pas dans son ouvrage politique majeur, le Léviathan (1651). Hobbes reprend cette métaphore du loup dans la dédicace d’un de ses livres, le De cive (1642) :
« Et certainement, il est également vrai qu’un homme est un dieu à un autre homme, et qu’un homme est aussi un loup à un autre homme ».
Que Hobbes prenne cette idée comme point de départ de sa réflexion politique n’implique pas qu’il ait une conception absolument pessimiste de la nature humaine. Pour lui, tous les hommes ne sont pas foncièrement méchants. Mais la présence des méchants oblige les bons, dans l’état de nature, à devenir, eux aussi, des loups pour leurs semblables. Dans la dédicace déjà citée Hobbes précise :
« […] et ici les désordres des méchants contraignent ceux-mêmes qui sont les meilleurs de recourir, par le droit d’une légitime défense, à la force et à la tromperie qui sont les vertus de la guerre, c’est-à-dire à la rapacité des bêtes farouches »
L’état de nature (l’état qui précède l’organisation sociale, tout en étant un état déjà social) est donc pour Hobbes un état de guerre perpétuelle, ou de « guerre de tous contre tous ». Chacun doit vivre sur ses gardes, car le plus faible a toujours assez de force pour tuer le plus fort. Chacun veut dominer l’autre, l’homme surpassant même le loup en rapacité, puisqu’il peut agresser l’autre même lorsqu’il n’est pas affamé ; L’état de nature n’est donc qu’un état d’insécurité et de misère :
« Nous pouvons trouver dans la nature humaine trois causes principales de querelle : premièrement la rivalité ; deuxièmement la défiance ; troisièmement la gloire. La première de ces choses fait prendre l’offensive aux hommes en vue de leur profit. La seconde en vue de leur sécurité. La troisième en vue de leur réputation. » (Léviathan, XIII).
De ce conflit inhérent à la nature humaine, Hobbes tire une conséquence : il faut une autorité forte pour empêcher les hommes de s’entretuer. Cette autorité sera remise par contrat à un seul individu qui n’aura de compte à rendre à personne.
En faisant reposer l’autorité du souverain (ou souveraineté) sur un contrat, Hobbes rompt avec toute une tradition pour laquelle le pouvoir du souverain venait de Dieu (le roi étant comme son délégué sur Terre). Rousseau reprendra la même idée (un contrat fonde l’autorité politique), mais alors que le contrat est intangible chez Hobbes, il peut être dénoncé chez Rousseau autant par les gouvernants que les gouvernés. Rousseau va même jusqu’à accorder au peuple un droit à l’émeute, ce qui explique les remous provoqués par Du contrat social (1762).
Mais tout en attribuant un pouvoir absolu et intangible au souverain, Hobbes affirme parallèlement les droits inaliénables de l’être humain. L’homme doit être commandé, mais respecté.