Vivre pour autrui? (textes)

Publié le par lenuki

compassion

 

Altruisme

C'est le contraire de l'égoïsme; c'est un disposition à penser aux autres (autrui), à se demander ce qu'ils penseront, ce qu'ils éprouveront, ce qu'ils espèrent, ce qu'ils voudraient, ce qu'ils devraient vouloir, ce qu'ils ne devraient pas supporter, etc. C'est se mettre à la place des autres et sentir comme eux (sympathie), et par suite être vivement ému par l'admiration ou par le blâme qu'ils expriment, ou qu'on suppose qu'ils exprimeraient. Il n'y a point du tout de société au monde sans cette espèce d'amitié, bien différente d'une volonté organisatrice, qui pense aussi aux autres, mais sans avoir égard à leurs sentiments. Un roi peut être raisonnable sans être pour cela altruiste. Et quelquefois l'altruisme le détournera d'être raisonnable, quand il constate que l'opinion est contre une réforme pourtant utile.

                                                                                                               Alain, Les arts et les dieux


L'éthique objectiviste prône et soutient fièrement l'égoïsme rationnel, c'est-à-dire les valeurs requises pour la survie de 1 'homme en tant qu'homme, c'est-à-dire les valeurs requises pour la survie humaine. Et non les valeurs découlant des désirs, des émotions, des «aspirations», des impressions, des caprices ou des besoins de brutes irrationnelles qui ne se sont jamais élevées au-delà des pratiques primordiales des sacrifices humains, n'ont jamais découvert la société industrielle, et ne peuvent concevoir d'intérêt personnel qu'en pillant à tout moment ce qui se trouve autour d'eux.

L'éthique objectiviste considère que ce qui est bon pour l'homme ne nécessite pas de sacrifices humains et ne peut être accompli par le sacrifice des uns en faveur des autres. Elle considère que les intérêts rationnels des hommes ne se contredisent pas, et qu'il ne peut y avoir de conflits d'intérêts entre des hommes qui ne désirent pas ce qu'ils ne méritent pas, qui ne font ni n'acceptent de sacrifices et qui traitent les uns avec les autres sur la base d'un échange librement consenti, donnant valeur pour valeur. Le principe de l'échange est le seul principe éthique rationnel pour toutes les relations humaines, personnelles ou sociales, privées ou publiques, spirituelles ou matérielles. C'est le principe de la justice.

Celui qui applique le principe de l'échange est un homme qui gagne ce qu'il obtient et qui ne donne ni ne prend ce qui n'est pas mérité. Il ne traite pas les hommes comme des maîtres ou des esclaves, mais comme des égaux indépendants. Il fait affaire avec eux au moyen d'échanges libres, volontaires, non forcés et non coercitifs, échanges qui bénéficient à chaque partie selon leur propre jugement indé- pendant. Cet homme ne s'attend pas à être payé pour ses tares, mais seulement pour ses réalisations. Il ne reporte pas sur les autres le fardeau de ses fautes et n'hypothèque pas sa vie pour supporter les leurs.

 Dans les affaires spirituelles (par «spirituelles» j'entends ce qui concerne la conscience de l'homme), la monnaie ou le moyen d'échange est différent, mais le principe est le même. L'amour, l'amitié, le respect ou l'admiration sont la réponse émotive d'un homme aux vertus d'un autre, le paiement spirituel donné en échange pour le plaisir personnel, égoïste qu'un homme retire des qualités de caractère d'un autre homme. Seul un altruiste ou une brute pourrait prétendre que l'appréciation des vertus d'une autre personne est un acte désintéressé, et que, pour autant que notre propre intérêt égoïste est concerné, cela ne change rien que l'on fasse affaire avec un génie ou un idiot, qu'on fasse la connaissance d'un héros ou d'un bandit, ou que l'on épouse une femme idéale ou une salope. Dans les affaires spirituelles, l'homme qui applique le principe de l'échange ne cherche pas à être aimé pour ses faiblesses ou ses défauts, mais seulement pour ses vertus, pas plus qu'il n'accorde aux autres son amour en conséquence de leurs faiblesses ou de leurs défauts, mais seulement en conséquence de leurs vertus.

Aimer, c'est valoriser. Seul un homme rationnellement égoïste, un homme qui a l'estime de soi, est capable d'amour, parce qu'il est le seul homme capable d'avoir des valeurs fermes et cohérentes, sans compromis et avec intégrité. L 'homme qui ne se valorise pas lui-même, ne peut valoriser personne ni quoi que ce soit.

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                                                                                                       AYN RAND  la vertu d'égoïsme

Rousseau


L'amour de soi, qui ne regarde qu'à nous, est content quand nos vrais besoins sont satisfaits ; mais l'amour-propre, qui se compare, n'est jamais content et ne saurait l'être, parce que ce sentiment, en nous préférant aux autres, exige aussi que les autres nous préfèrent à eux, ce qui est impossible. Voilà comment les passions douces et affectueuses naissent de l'amour de soi, et comment les passions haineuses et irascibles naissent de l'amour propre. Ainsi, ce qui rend l'homme essentiellement bon est d'avoir peu de besoins et de peu se comparer aux autres ; ce qui le rend essentiellement méchant est d'avoir beaucoup de besoins et de tenir beaucoup à l'opinion. Sur ce principe, il est aisé de voir comment on peut diriger au bien ou au mal toutes les passions des enfants et des hommes. Il est vrai que ne pouvant vivre toujours seuls, ils vivront difficilement toujours bons : cette difficulté même augmentera nécessairement avec leurs relations, et c'est en ceci surtout que les dangers de la société nous rendent les soins plus indispensables pour prévenir dans le cœur humain la dépravation qui naît de ses nouveaux besoins.

                                                                                                                                                         Rousseau Emile

 

 


Il faut apprendre à aimer. - Voilà ce qui nous arrive en musique : il faut d'abord apprendre à entendre en général, un thème ou un motif, il faut le percevoir, le distinguer, l'isoler et le limiter en une vie propre; puis il faut un effort et de la bonne volonté pour le supporter, malgré son étrangeté, pour exercer de la patience à l'égard de son aspect et de son expression, de la charité pour son étrangeté : - enfin arrive le moment où nous nous sommes habitués à lui, où nous l'attendons, où nous pressentons qu'il nous manquerait s'il faisait défaut; et maintenant il continue à exercer sa contrainte et son charme et ne cesse point que nous n'en soyons devenus les amants humbles et ravis, qui ne veulent rien de mieux au monde que ce motif et encore ce motif. - Mais il n'en est pas ainsi seulement de la musique : c'est exactement de la même façon que nous avons appris à aimer les choses que nous aimons, finalement nous sommes toujours récompensés de notre bonne volonté, de notre patience, de notre équité, de notre douceur à l'égard de l'étranger, lorsque pour nous l'étran­ger écarte lentement son voile et se présente comme une nouvelle, indicible beauté. De même celui qui s'aime soi-même aura appris à s'aimer sur cette voie-là : il n'y en a pas d'autre. L'amour aussi, il faut l'apprendre.

                                                                                                                    Nietzsche  Le gai savoir

la bonté humaine

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