Textes sur nature/culture
Y a-t-il une nature humaine ?
<<Tout le monde reconnaît qu'il y a beaucoup d'uniformité dans les actions humaines, dans toutes les nations et à toutes les époques, et que
la nature humaine reste toujours la même dans ses principes et ses opérations. Les mêmes motifs produisent toujours les mêmes actions ; les mêmes événements suivent les mêmes causes. L'ambition,
l'avarice, l'amour de soi, la vanité, l'amitié, la générosité, l'esprit public : ces passions, qui se mêlent à divers degrés et se répandent dans la société, ont été, depuis le commencement du
monde, et sont encore la source de toutes les actions et entreprises qu'on a toujours observées parmi les hommes. Voulez-vous connaître les sentiments, les inclinations et le genre de vie des
Grecs et des Romains ? Etudiez bien le caractère des Français et des Anglais : vous ne pouvez vous tromper beaucoup si vous transférez aux premiers la plupart des observations que vous avez
faites sur les seconds. Les hommes sont si bien les mêmes, à toutes les époques et en tous les lieux, que l'histoire ne nous indique rien de nouveau ni d'étrange sur ce point. Son principal usage
est seulement de nous découvrir les principes constants et universels de la nature humaine en montrant les hommes dans toutes les diverses circonstances et situations>>.
D. HUME, Bac A, 1984.
<<S'il est impossible de trouver en chaque homme une essence universelle qui serait la nature humaine, il existe pourant une universalité
humaine de condition. Ce n'est pas par hasard que les penseurs d'aujourd'hui parlent plus volontiers de la condition de l'homme que de sa nature. Par condition ils entendent avec plus ou moins de
clarté l'ensemble des limites a priori qui esquissent sa situation fondamentale dans l'univers. Les situations historiques varient : l'homme peut naître esclave dans une société païenne ou
seigneur féodal ou prolétaire. Ce qui ne varie pas, c'est la nécessité pour lui d'être dans le monde, d'y être au travail, d'y être au milieu d'autres hommes et d'y être mortel (...). Et bien que
les projets puissent être divers, au moins aucun ne reste-t-il tout à fait étranger parce qu'ils se présentent tous comme un essai pour franchir ses limites ou pour les reculer ou pour les nier
ou pour s'en accommoder>>.
J.-P. SARTRE, Bac A 1984 (L'Existentialisme est un humanisme, Nagel, pp. 67-69).
Complémentarité des approches naturaliste et culturaliste
<<Il n'est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d'embrasser dans l'amour que d'appeler table une table. Les
sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots. Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain sont en réalité des institutions.
Il est impossible de superposer chez l'homme une première couche de comportements que l'on appellerait "naturels" et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel
chez l'homme, comme on voudra dire, en ce sens qu'il n'est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l'être simplement biologique, et qui en même temps ne se dérobe à la
simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d'échappement et par un génie de l'équivoque qui pourraient servir à définir l'homme>>.
M. MERLEAU-PONTY