Le travail aujourd'hui

Publié le par lenuki69

Aujourd'hui le travail peut-il avoir bonne presse ?
Qu'est-ce qui caractérise le travail chez nous ? Culpabilité et fatalité : " Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ". C'est la punition à la suite du pêché d'Adam. Il semble qu'il s'agisse d'une fatalité inexorable.
C'est une idée que l'on entend aujourd'hui ici ou là. Les SDF, les chômeurs sont parfois montrés du doigt comme s'il y avait de la dignité pour ceux qui travaillent, et de l'indignité pour les autres.
L'idée de contrat : Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre, sous la subordination, le contrôle et l'autorité de laquelle elle se place, moyennant une rémunération. La subordination est donc au cœur du travail salarié.
Le travail, une sorte de puzzle : Chacun a souvent le sentiment d'être un rouage dans un système. Le travail est morcelé, il est donc difficile d'en avoir une vision globale. Le producteur de légumes a sûrement du mal à retrouver ses produits dans les supermarchés….
La finalité : Le but c'est l'enrichissement matériel et financier. On s'interroge rarement sur l'œuvre, le produit, sur le sens et l'utilité de ce produit. L'être humain devient un simple exécutant, un moyen, une pièce interchangeable d'une vaste machine… qui n'a aucune maîtrise du produit final. Il s'agit de produire et de consommer … produire et consommer pour l'argent, pour le profit. Négation apparente de l'utilité de chacun… Le travail est au service d'une autre fin que lui-même.
Comment définir ce concept ?
L'homme produit lui-même ses conditions d'existence parce qu'elles ne sont pas immédiatement présentes dans la nature. On peut donc dire que le travail existe parce qu'il nous faut transformer la nature pour l'adapter à nos besoins.
Ce qui nous donne une première définition du travail : il y a travail partout où on rencontre une activité de transformation de ce qui est donné, que ce donné soit brut ou naturel ou qu'il soit déjà élaboré. Transformation qui s'effectue en vue de la satisfaction d'un besoin ou d'une exigence.
A partir de cette analyse, on peut comprendre que le travail soit méprisé, ou du moins jugé comme moins important que le reste.
En effet, comment concilier la subordination avec l'autonomie et l'épanouissement ? Comment concilier argent, exploitation et épanouissement ?
Notre façon d'aborder le concept de travail est peut-être à remettre en cause. Cette façon de penser, de vivre le travail, considéré comme une marchandise comme les autres, cette attitude consumériste du 21ième siècle est peut-être une idée toute faite mais une idée qui vient du fond des âges.
Les Grecs et les Romains distinguaient deux formes de travail : l'œuvre et le travail. Le travail, méprisé, car il désignait des activités effectuées sous la dépendance d'un autre. " Leur salaire est le prix d'une servitude " écrit Cicéron. Sont méprisables aussi les gains de ceux dont ce sont les travaux et non les talents qui sont payés. Par contre le loisir est valorisé.
Au Moyen Age, œuvre et travail seront confondus et le loisir, synonyme de paresse, condamné. Je ne m'attarderai pas sur les inscriptions figurant sur les portails d'accès aux camps de concentration nazis " Arbeit macht frei " (le travail rend libre).
Aujourd'hui les loisirs sont valorisés, le travail est méprisé car il désigne des activités effectuées, peut-être moins sous la dépendance d'un autre que sous la dépendance d'un système.
Quant à l'œuvre, comme le dit Hannah Arendt : " il ne reste plus que quelques solitaires pour considérer ce qu'ils font comme des œuvres et non comme des moyens de gagner leur vie ".
Quelques points de vue diffèrent : Le travail est un facteur d'équilibre individuel et d'épanouissement psychologique, car il assure l'insertion de l'homme dans la réalité. En tant qu'activité créatrice, le travail apparaît ainsi comme une dimension spécifiquement humaine: c'est par lui que l'homme est capable de transformer la nature et, par-là, de se transformer lui-même; c'est par lui enfin, qu'échappant à l'animalité, il entre dans l'Histoire. " G. Friedmann.
Comment trancher ? Le travail : un ennui, une charge, un handicap, une fatalité ? Une valeur ? "C'est l'avènement de l'automatisation qui, en quelques décennies, probablement videra les usines et libérera l'humanité de son fardeau le plus ancien et le plus naturel, le fardeau du travail ; l'asservissement à la nécessité " écrit Hannah Arendt.
Faut-il trancher ? Faut-il mettre le travail sur un fond blanc ? Sur un fond noir ?
Rappelons la définition donnée précédemment : il y a travail partout où on rencontre une activité de transformation de ce qui est donné, que ce donné soit brut ou naturel ou qu'il soit déjà élaboré. Transformation qui s'effectue en vue de la satisfaction d'un besoin ou d'une exigence.
Illustrons cette définition de quelques exemples : Faire de la confiture pendant les vacances, laver la vaisselle, tricoter, vider les poubelles, faire du vélo, lire un livre, jouer au théâtre, transmettre un savoir, éduquer, construire une maison, réparer une machine à laver, soigner, …. Que du travail ! il y a partout une transformation d'objet ou d'être humain qui sont différents après l'action, même quand je lis un livre, transformation en vue de la satisfaction d'un besoin ou d'une exigence… Si j'avais cherché à regrouper ces éléments en deux catégories, d'un côté Loisir de l'autre Travail, les réponses auraient été différentes.
Il me semble donc que le problème, si problème il y a, est dans notre façon de voir le monde.
Le travail nous permet de rester en contact avec le réel.
Travail soit, mais comme le dit un proverbe chinois : " Il est un temps pour aller à la pêche et un temps pour faire sécher ses filets. "
A nous peut-être " de prendre le temps de faire sécher nos filets c'est-à-dire, avoir le temps de se recentrer, se ressourcer, goûter des instants de paresse, laisser la terre se reposer comme font les bons jardiniers, ne rien planter pour qu'elle s'amende afin que les prochaines cultures soient plus abondantes. "
Travailler sur soi
Je terminerai par un autre travail qui dit-on conduit vers plus de sagesse, plus d'humanité : le travail sur soi. L'expression " travailler sur soi " qui sous tend implicitement l'idée d'une transformation de soi répond aux critères évoqués plus haut : dégager l'essentiel de soi-même, repérer les imperfections de l'esprit et du cœur, les préjugés, les certitudes arrogantes, l'agressivité blessante, les affirmations intolérantes, les idées arrêtées (tiens !) les a priori fermés (tiens, tiens !), les parti-pris. Les repérer et les faire évoluer. Essayer d'abandonner des certitudes péremptoires sans pour autant supprimer toute conviction, remettre en cause pour mieux voir mais pas détruire à tout va.
En conclusion, il me semble que certaines idées reçues sur le travail nous amènent à catégoriser nos actions selon une dichotomie travail loisir, dichotomie qui ne peut entraîner que de la frustration. Le travail sur soi doit pouvoir nous aider à dépasser cette dualité.
 

Publié dans la culture

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