Est-on moralement obligé de travailler ?

Publié le par lenuki

travail et libération

La paresse fait l’objet d’une condamnation morale dans pratiquement toutes les sociétés humaines, car elle est le signe d’un manque de caractère et de volonté. Le paresseux laisse en friches toutes ses potentialités, il ne s’accomplit pas.

De plus, la société est fondée sur l’échange de biens ou de services. Celui qui refuse de produire apparaît donc comme un parasite vivant au crochet des autres.

paresse lagaffe

Mais une obligation morale implique la liberté fondée sur le choix entre accomplir une tâche ou ne pas l’accomplir. Or beaucoup de personnes souhaiteraient travailler, qui ne le peuvent pas (chômage ou maladie). Peut-on alors les condamner moralement ?

Enfin, le travail est aussi une contrainte sociale, voire une nécessité (satisfaction des besoins). Comment en ce cas pourrait-il constituer une obligation ou un  devoir ?

Cf. différence entre contrainte et obligation.

En effet, si le travail n’est que de l’ordre de la contrainte, alors la question ne se pose plus. Pourquoi la poser néanmoins ? Parce que le travail n’est peut-être pas qu’une contrainte et qu’il met en jeu des valeurs. Ainsi faut-il considérer le travail comme l’essentiel et les loisirs comme un moyen de récupérer des forces pour continuer à accomplir sa tâche ou, au contraire, voir dans le travail du temps mortifié et sacrifié, dans l’attente de moments où l’on peut vraiment s’accomplir et se réalise pleinement ?

Ne faut-il pas, pour finir, distinguer oisiveté et paresse ? Est oisif celui qui n’a rien à faire d’urgent ou d’indispensable dans l’immédiat, ce qui le rend disponible pour accomplir toutes sortes de tâches non utilitaires (cf. l’intellectuel cher les Grecs). En revanche, le paresseux cultive un vice, c’est-à-dire une habitude pernicieuse l’amenant à refuser d’accomplir ce qui pourtant doit être fait.

semeur travail

Cf. la condamnation divine dans la Genèse lorsqu’il est dit à Adam : « Tu travailleras à la sueur de ton front ! ». Le travail apparaît comme une condamnation, c’est donc un devoir de travailler. Qu’est-ce qui peut alors faire du travail une obligation morale ? Une telle approche a-t-elle des fondements véritables ? Pourquoi faire d’une nécessité une obligation ? Une fois le problème formulé, on peut revenir sur l’approche la plus simple du travail lorsque celui-ci est conçu d’abord comme une nécessité. Nous travaillons pour satisfaire nos besoins, et même dans la condamnation divine que nous avons évoquée, c’est en vue de la satisfaction de ses besoins et de ceux de sa descendance qu’Adam doit travailler. Le travail est donc avant tout une nécessité, il peut devenir un droit, mais on saisit mal en quoi il serait une obligation. Sur quoi en ce cas repose le discours qui en fait une obligation morale ? On entend bien communément dire « Tu dois travailler ». Certes, ceci relève souvent d’une assimilation du devoir à la nécessité. On dit ainsi : « si tu veux parvenir à tel but, tu dois travailler ». Le devoir ici désigne surtout une impossibilité de faire autrement. Certes, c’est bien le terme de devoir qui est utilisé, mais il ne recouvre pas ici un sens immédiatement moral. On peut alors penser aux éléments évoqués pour commencer : « tu dois travailler », quel sens accorder ici au terme de devoir ? Mais surtout, « tu dois travailler à la sueur de ton front », sur quoi se fonde ici le devoir ? Cette réitération de l’injonction n’apparaît-elle pas comme suspecte ? La dimension morale du travail ne va-t-elle pas servir aussi à justifier une certaine forme d’aliénation (cf. Nietzsche : « le travail est la meilleure des polices »)?

Nietzsche munch

Mais le travail est-il pour autant étranger à toute morale ? Ne permet-il pas à l’homme de réaliser son humanité, lorsqu’il n’est ni de l’ordre de l’exploitation ni de l’ordre de l’aliénation (cf. Marx : le travail est ce qui distingue l’homme de l’animal) ?


Publié dans la culture

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